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Ampère, Poisson, Fourier et Cauchy lui-même, le créateur de la théorie des imaginaires, se préoccupaient avant tout d'étudier l'application des méthodes analytiques à la Mécanique, à la Physique molécu- laire et semblaient croire qu'en dehors de ce nouveau domaine, qu'ils avaient hâte de parcourir, les cadres de la Théorie et de la Science étaient définitivement fixés. La Géométrie moderne, c'est un titre que nous devons reven- diquer pour elle, est venue, dès la fin du xviii® siècle, contribuer dans une large mesure au renouvellement de la Science mathéma* tique tout entière, en oiTrant aux recherches une voie nouvelle et féconde, et surtout en nous montrant, par des succès éclatants, que les méthodes générales ne sont pas tout dans la Science et que, même dans le sujet le plus simple, il y a beaucoup à faire pour un esprit ingénieux et inventif. Les belles démonstrations géomé- triques deHuyghens, de Newton et de Clairaut étaient oubliées ou négligées. Les idées géniales introduites par Desargues et Pascal étaient restées sans développement et paraissaient être tombées sur un sol stérile. Carnot, par VEssai sur les transversales et la Géométrie de position, Monge surtout, par la création de la Géométrie descriptive et par ses belles théories sur la génération des surfaces, sont venus renouer une chaîne qui paraissait brisée. Grâce à eux, les conceptions des inventeurs de la Géométrie ana- lytique, Descartes et Fermât, ont repris auprès du Calcul infinité- simal de Leibniz et de Newton la place qu*on leur avait laissé perdre et qu'elles n'auraient jamais dû cesser d'occuper. Avec sa Géométrie, disait Lagrange en. parlant de Monge, ce diable d'homme se rendra immortel. Et, en effet, non seulement la Géométrie descriptive a permis de coordonner et de perfectionner les procédés employés dans tous les arts, « où la précision de la forme est une condition de succès et d'excellence pour le travail et ses produits »; mais elle est apparue comme la traduction gra- phique d'une Géométrie générale et purement rationnelle, dont de nombreuses et importantes recherches ont démontré Theureuse fécondité. A côté de la Géométrie descriptive nous ne devons pas d'ailleurs oublier de placer cet autre chef-d'œuvre qui a nom \ - 7 — V Application de l'analyse à la Géométrie ; nous ne devons pas oublier non plus que c^est à Monge que sont dues la notion des lignes de courbure et l'éléganle intégration de Téquation diffé- rentielle de ces lignes pour le cas de l'ellipsoïde, que Lagrange, dit-on, lui enviait. II faut insister sur ce caractère de Tensembie de l'Œluvre de Monge. Le rénovateur de la Géométrie moderne nous a montré, dès le début, ses successeurs Pont peut-être oublié, que Talliance de la Géométrie et de PAnalyse est utile et féconde, que cette alliance est peut-être une condition de succès pour l'une et pour l'autre. II. A Técole de Monge se formèrent de nombreux géomètres : Ha- chette, Brianchon, Chappuis, Binet, Lancret, Dupin, Malus, Gaul- tier de Tours, Poncelet, Chasles, etc. Parmi eux, Poncelet se place au premier rang. Négligeant tout ce qui, dans les travaux de Monge, se rattache à PAnaljse de Descartes ou concerne la Géométrie infi- nitésimale, il s'attacha exclusivement à développer les germes con- tenus dans les recherches purement géométriques de son illustre devancier. Fait prisonnier par les Russes en i8t3 au passage du Dnieper et interné à Saratoff, Poncelet employa les loisirs que lui laissait sa captivité à la démonstration des principes qu'il a déve- loppés dans le Traité des propriétés projectiçes des figures, paru en 1822, et dans les grands Mémoires sur les polaires réciproques et sur les moyennes harmoniques, qui remontent à peu près à la même époque. C'est donc à Saratoff qu'est née, on peut le dire, la Géométrie moderne. Renouant la chaîne interrompue depuis Pascal et Desargues, Poncelet introduisit à la fois l'homologle et les po- laires réciproques, mettant ainsi en évidence, dès le début, les idées fécondes sur lesquelles la Science a évolué pendant 5o ans. Présentées en opposition avec la Géométrie analytique, les mé- thodes de Poncelet ne furent pas favorablement accueillies par les analystes français. Mais telles étaient leur importance et leur nou- veauté qu'elles ne tardèrent pas à susciter, de divers côtés, les recherches les plus approfondies. Poncelet avait été seul à décou- vrir les principes^ plusieurs géomètres, au contraire, apparurent presque en même temps pour les étudier sur toutes leurs faces et — 8 — pour en déduire les résultats essentiels qui y étaient implicitement contenus. A cette époque, Gergonne dirigeait avec éclat un Recueil périodique qui a aujourd'hui pour l'histoire de la Géométrie un prix inestimable. Les Annales de Mathématiques^ publiées à Nîmes de i8jo à i83i, ont été pendant plus de quinze ans le seul journal du monde entier exclusivement consacré aux recherches de mathématiques. Gergonne, qui nous a laissé à bien des égards un excellent modèle du directeur de journaux scientifiques, avait les défauts de ses qualités; il collaborait, souvent contre leur gré, avec les auteurs des Mémoires qui lui étaient envoyés, remaniait leur rédaction et leur faisait dire quelquefois plus ou moins qu'ils n'auraient voulu. Quoi qu'il en soit, il fut vivement frappé de l'originalité et de la portée des découvertes de Poncelet. On con- naissait déjà en Géométrie quelques méthode simples de transfor- mation des figures; on avait même employé l'homologie dans le plan, mais sans l'étendre à l'espace, comme le fit Poncelet, ni sur- tout sans en connaître la puissance et la fécondité. D'ailleurs toutes ces transformations étaient ponctuelles^ c'est-à-dire qu'elles fai- saient correspondre un point à un point. En introduisant les po- laires réciproques, Poncelet faisait au plus haut degré œuvre d'inventeur; car il donnait le premier exemple d'une transfor- mation dans laquelle à un point correspondait autre chose qu'un point. Toute méthode de transformation permet de multiplier le nombre des théorèmes, mais celle des polaires réciproques avait l'avantage de faire correspondre à une proposition une autre proposition d'aspect tout différent. Il y avait là un fait essentielle- ment nouveau. Pour le mettre en évidence, Gergonne inventa le système, qui depuis a eu tant de succès, des Mémoires écrits sur doubles colonnes, avec les propositions corrélatives en regard; et il eut l'idée de substituer aux démonstrations de Poncelet, qui exi- geaient l'intermédiaire d'une courbe ou d'une surface du second ordre, le fameux principe de dualité, dont la signification, un peu vague d'abord, fut suffisamment éclaircie par les discussions qui s'établirent à ce sujet entre Gergonne, Poncelet et Plûcker. Bobillier, Chasles, Steiner, Lamé, Sturm et bien d'autres que j'oublie étaient, en même temps que Plucker et Poncelet, les col- laborateurs assidus des Annales de Mathématiques. Gergonne, — 9 — devenu recteur de rAcadéniie de Montpellier, dut Interrompre en i83i la publication de son journal. Mais le succès qu'il avait obtenu, le goût des recherches qu'il avait contribué à développer avaient commencé à porter leur fruit. Quételet venait de créer en Belgique la Correspondance mathématique et physique, Crelle, dès 1826, faisait paraître à Berlin les premières feuilles de son célèbre jour- nal, où il publiait les Mémoires d'Abel, de Jacobi, de Steîner. Un grand nombre d'Ouvrages séparés allaient aussi paraître, où les principes de la Géométrie moderne devaient être magistralement exposés et développés. C'est d'abord en iSri^ le Calcul barycentrique de Mobius, œuvre vraiment originale, remarquable par la profondeur des con- ceptions, la netteté et la rigueur de l'exposition; puis en 1828 les Analytisch-geometrische Entwickelungen de Plûcker dont la seconde partie parut en i83i et qui furent bientôt suivis du System, der analytischen Géométrie du même auteur publié à Berlin en i835. En 1882, Steiner faisait paraître à Berlin son grand Ouvrage : Systematische Entwickelung der Abhàngigkeit der geometrischen Gestalten von einander, et, Tannée suivante, les Geometrische Construclionen ausgefClhrt mittelst der geraden Linie und eines festen Kreises, où se trouvait confirmée par les exemples les plus élégants une proposition de Poncelet relative à l'emploi d'un seul cercle pour les constructions géométriques. Enfin, en i83o) Ghasles envoyait à l'Académie de Bruxelles, qui, heureusement inspirée, avait mis au concours une étude des prin- cipes de la Géométrie moderne, son célèbre Aperçu historique sur V origine et le développement des méthodes en GéométriCy suivi du Mémoire sur deux principes généraux de la Science : la dualité et V homographie, qui fut publié seulement en J837. Le temps nous manquerait pour apprécier dignement ces beaux Ouvrages et pour faire ici la part de chacun d'eux. A quoi d'ail- leurs pourrait nous conduire une telle étude, sinon à une vérifica* tion nouvelle des lois générales du développement de la Science. Quand les temps sont mûrs, quand les principes fondamentaux ont été reconnus et énoncés, rien n'arrête la marche des idées; les mêmes découvertes, ou des découvertes à peu près équivalentes, se produisent à peu près au même instant, et dans les lieux les plus divers. Sans entreprendre une discussion de ce genre qui — 10 - pourrait d'ailleurs paraître inutile ou devenir irritante, il importé cependant que nous fassions ressortir une diflTérence fondamentale entre les tendances des grands géomètres qui, vers i83o, vinrent donner à la Géométrie un essor inconnu jusque-là. III. Les uns, comme Chasles et Sleiner, qui consacrèrent leur vie entière aux recherches de pure Géométrie, opposèrent ce qu'ils appelaient la synthèse à Vanalyse et, adoptant dans l'ensemble sinon dans le détail les tendances de Poncelet, ils se proposèrent de constituer une doctrine indépendante, rivale de l'analjse de Descartes. Poncelet n'avait pu se contenter des ressources insuffisantes fournies par la méthode des projections; pour atteindre les imagi- naires, il avait dû imaginer ce fameux principe de continuité qui a donné naissance à de si longues discussions entre lui et Cauchj. Convenablement énoncé, ce principe est excellent et peut rendre de grands services. Poncelet lui faisait du tort en se refusant à le présenter comme une simple conséquence de l'Analyse ; et Cauchy, d'autre part, ne voulait pas reconnaître que ses propres objections, applicables sans doute à certaines figures transcendantes, demeu- raient sans force dans les applications faites par Tauteur du Traité des propriétés projectiles. Quelque opinion que l'on se fasse au sujet d'une telle discussion, elle montra du moins de la manière la plus claire que le système géométrique de Poncelet reposait sur une base analytique et nous savons du reste, par la publication malencontreuse des cahiers de Saratoff, que c'est à l'aide de l'analyse de Descartes qu'ont été établis les principes qui servent de base au Traité des propriétés projectiles. Moins ancien que Poncelet, qui d'ailleurs abandonna la Géo- métrie pour la Mécanique où ses travaux ont eu une influence prépondérante, Chasles, pour qui fut créée en 1847 ""® chaire de Géométrie supérieure à la Faculté des Sciences de Paris, s'efforça de constituer une doctrine géométrique entièrement in- dépendante et autonome. Il Ta exposée dans deux ouvrages de haute importance, le Traité de Géométrie supérieure, qui date — 11 — de i8d2, et le Traite des sections coniques, malheureusement inachevé et dont la première partie seule a paru en i865. Dans la préface du premier de ces ouvrages il indique très net* lement les trois points fondamentaux qui permettent à la nouvelle doctrine de participer aux avantages de l'analyse et lui paraissent marquer un progrès dans la culture de la science. Ce sont : 1** L'introduction du principe des signes, qui simplifie à la fois les énoncés et les démonstrations, et donne à Tanalyse des trans* versales de Carnot toute la portée dont elle est susceptible; 2^ L'introduction des imaginaires, qui supplée au principe de continuité et fournit des démonstrations aussi générales que ' celles de la géométrie analytique; 3^ La démonstration simultanée des propositions qui sont cor- rélatives, c'est-à-dire qui se correspondent en vertu du principe de dualité. Chasles étudie bien dans son Ouvrage l'homographie et la cor* relation; mais il écarte systématiquement dans son exposition l'emploi des transformations des figures, lesquelles, pense-t-il, ne peuvent suppléer à des démonstrations directes parce qu'elles masquent l'origine et la véritable nature des propriétés obtenues par leur moyen. Il y a du vrai dans ce jugement, mais la marche même de la science nous permet de le trouver trop sévère. S'il arrive souvent que, employées sans discernement, les transfor- mations multiplient inutilement le nombre des théorèmes, il ne faut pas méconnaître qu'elles nous aident souvent aussi à mieux connaître la nature des propositions mêmes auxquelles elles ont été appliquées. N'est-ce pas l'emploi de la projection de Poncelet qui a conduit à la distinction si féconde entre les propriétés pro- jectives et les propriétés métriques, qui nous a fait aussi connaître la haute importance de ce rapport anharmonique, dont la pro- priété essentielle se trouve déjà dans Pappus, et dont le rôle fon- damental n'a commencé à apparaître après quinze siècles que dans les recherches de la géométrie moderne ? L'introduction du principe des signes n'était pas aussi nouvelle que le croyait Chasles au moment où il écrivait son Traité de Géométrie supérieure. Déjà Môbius, dans son Calcul Bary- centrique, avait donné suite à un desideratum de Carnot, et - 12 — employé les signes de la manière la plus large et la plus précise, en définissant pour la première fois le signe d'un segment et même celui d^une aire. Il a réussi plus tard à étendre Tusage des signes à des longueurs qui ne sont pas portées sur la môme droite et à des angles qui ne sont pas formés autour d^un même point. D'ailleurs Grassmann, dont l'esprit a tant d'analogie avec celui de Mobius, avait dû nécessairement employer le principe des signes dans les définitions qui servent de base à sa méthode si originale d'étude des propriétés de l'étendue. Le second caractère que Chasles assigne à son système de géo- métrie, c'est l'emploi des imaginaires. Ici sa méthode était réel- lement nouvelle et il a su l'illustrer par des exemples de haut intérêt. On admirera toujours les belles théories qu'il nous a laissées sur les surfaces homofocales du second degré, où toutes les propriétés connues et d'autres nouvelles, aussi variées qu'é- légantes, dérivent de ce principe général qu'elles sont inscrites dans une même développable circonscrite au cercle de l'infini. Mais Chasles n'a introduit les imaginaires que par leurs fonctions symétriques et n'aurait pu, par conséquent, définir le rapport anharmonique de quatre éléments lorsque ceux-ci cessent d'être réels en tout ou en partie. Si Chasles avait pu établir la notion du rapport anharmonique d'éléments imaginaires, une formule qu'il donne dans la Géométrie supérieure (p. 1 18 de la nouvelle édition) lui aurait immédiatement fourni cette belle définition de l'angle comme logarithme d'un rapport anharmonique qui a per- mis à Laguerre, notre confrère regretté, de résoudre d'une manière complète le problème, si longtemps cherché, de la transformation des relations qui contiennent à la fois des angles et des segments dans l'homographie et la corrélation. Comme Chasles, Steiner, le grand et le profond géomètre, a suivi la voie de la géométrie pure; mais il a négligé de nous donner un exposé complet des méthodes sur lesquelles il s'ap- puyait. On peut toutefois les caractériser en disant qu'elles re- posent sur l'introduction de ces formes géométriques élémen- taires, que Desargues avait déjà considérées, sur le développement qu'il a su donner à la théorie des polaires de Bobillier, et enfin sur la construction des courbes et des surfaces de degrés su- périeurs, à l'aide de faisceaux ou de réseaux de courbes ou de — 13 -- surfaces d'ordres moindres. A défaut des recherches récentes,' l'Analyse sufGrait à montrer que le champ ainsi embrassé a l'é- tendue même de celui dans lequel nous introduit sans eflbrt l'ana- lyse de Descaries. IV. Pendant que Chastes, Steiner, et plus lard, comme nous le verrons, v. Staudt, s'attachaient à constituer une doctrine rivale de l'Analyse et dressaient en quelque sorte autel contre autel, Gergonne, Bobillier, Sturm, Pliicker surtout, perfeclionnaienl la géométrie de Descartes et constituaient un syslème analy- tique en quelque sorte adéquat aux découvertes des géomètres. C'est à Bobillier et à Pliicker que nous devons la méthode dite des notations abrégées, Bobillier lui a consacré quelques pages vraiment neuves dans les derniers volumes des Annales de Gergonne. Pliicker a commencé à la développer dans son premier Ouvrage, bientôt suivi d'une série de travaux Où sont établies d'une manière pleinement consciente les bases de la géométrie analytique moderne. C'est à lui que nous devons les coordonnées tangentielles, les coordonnées trilinéaires, employées avec des équations homogènes, et enfin l'emploi des formes cano- niques dont la validité se reconnaît par la méthode, si trompeuse quelquefois mais si féconde, dite de Yénuniération des con- stantes. Toutes ces heureuses acquisitions allaient infuser un sang nouveau à l'analyse de Descartes et la mettre en mesure de donner leur pleine signification aux conceptions dont la géométrie dite synthétique n'avait pu se rendre complètement maîtresse. Pliicker, auquel il est sans doute équitable d'adjoindre Bobillier, enlevé par une mort prématurée, doit être regardé comme le véritable initiateur de ces méthodes de l'Analyse moderne où l'emploi des coordonnées homogènes permet de Iraiter simultanément, et sans que le lecleur s'en aperçoive pour ainsi dire, en même temps qu'une figure, toutes celles qui s'en déduisent par l'homographie et la corrélation. ^ 14 — V. A parlir de ce moment s'ouvre une période brillante pour les recherches géométriques de toute nature. Les analystes inter- prètent tous leurs résultats et se préoccupent de les traduire par des constructions. Les géomètres s'attachent à découvrir dans chaque question quelque principe général, le plus souvent indé- montrable sans le secours de l'analyse, pour en faire découler sans effort une foule de conséquences particulières, solidement reliées les unes aux autres et au principe d'où elles dérivent. Otto Hesse, brillant disciple de Jacobi, développe d'une manière admirable cette méthode des homogènes à laquelle Pliicker peut-être n'avait pas su donner toute sa valeur. Boole découvre dans les polaires de Bobillier la première notion du covariant; la théorie des formes se crée par les travaux de Gayley, de Sylvesler, d'Hermite, de Brioschi. Plus tard, Aronhold, Clebsch et Gordan et d'autres géomètres encore vivants lui fournissent ses notations définitives, établissent le théorème fondamental relatif à la limitation du nombre des formes covariantes et achèvent ainsi de lui donner toute son ampleur. La théorie des surfaces du second ordre, édifiée principalement par l'école de Monge, s'enrichit d'une foule de propriétés élé- gantes, établies principalement par O. Hesse, qui doit trouver plus tard en Paul Serret un digne émule et un continuateur. Les propriétés des polaires des courbes algébriques sont déve- loppées par Pliicker et surtout par Steiner. L'étude déjà ancienne des courbes du troisième ordre est rajeunie et enrichie d'une foule d'éléments nouveaux. Steiner, le premier, étudie par la Géométrie pure les tangentes doubles des courbes du quatrième ordre, et Hesse, après lui, applique les méthodes de l'algèbre à cette belle question, ainsi qu'à celle des points d'inflexion des courbes du troisième ordre. La notion de classe introduite par Gergonne, l'étude d'un paradoxe en partie élucidé par Poncelet et relatif aux degrés respectifs de deux courbes polaires réciproques l'une de l'autre, donnent naissance aux recherches de Pliicker relatives aux sin- - 15 — gularités dites ordinaires des courbes planes algébriques. Les célèbres formules auxquelles Pliicker est ainsi conduit sont plus tard étendues par Cayley et par d'antres géomètres aux courbes gauches algébriques, par Gaylej encore et par Salmon aux sur- faces algébriques. Les singularités d'ordre supérieur sont à leur tour abordées par les géomètres; conlrairenient à une opinion alors très répandue, Halphen démontre que chacune de ces sin- gularités ne peut être considérée comme équivalente à un cer- tain groupe de singularités ordinaires et ses recherches closent pour un temps cette difficile et importante question. L'Analyse et la Géométrie, Steiner, Cayley, Salmon, Cremona se rencontrent dans l'étude des surfaces du troisième ordre; et, conformément aux prévisions de Sleiner, cette ihéorie devient aussi simple et aussi facile que celle des surfaces du second ordre. Les surfaces réglées algébriques, si importantes pour les ap- plications, sont étudiées par Chasles, par Cayley dont on retrouve l'influence et la trace dans toutes les recherches mathématiques, par Cremona, Salmon, La Gournerie; elles le seront plus tard par Plùcker dans un travail sur lequel nous aurons à revenir. L'étude de la surface générale du quatrième ordre paraît être trop difficile encore; mais celle des surfaces particulières de cet ordre avec points multiples ou lignes multiples est commencée, avec Pliicker pour la surface des ondes, avec Steiner, Kummer, Cayley, Moutard, Laguerre, Cremona et bien d'autres chercheurs. Quant à la théorie des courbes gauches algébriques, enrichie dans ses parties élémentaires, elle reçoit enfin, par les travaux d'Halphen et de Nœther qu'il nous est impossible de séparer ici, les plus notables accroissements. Une théorie nouvelle de grand avenir naît avec les travaux de Chasles, de Clebsch et de Cremona; elle concerne l'étude de toutes les courbes algébriques qui peuvent être tracées sur une surface déterminée* L'homographie et la corrélation, ces deux méthodes de trans- formation qui ont été l'origine lointaine de toutes les recherches précédentes, en reçoivent à leur tour un accroissement inattendu : elles ne sont pas les seules qui fassent correspondre un seul élé- ment à un seul élément, comme aurait pu le montrer une trans- formation particulière brièvement signalée par Poncelet dans le Traité des propriétés projectiles. Plucker définit la transfor^ — 46 - mation par rayons vecteurs réciproques ou inversion dont Sir W, Thomson et Liouville ne tardent pas à montrer toute l'im- portance, tant pour la Physique mathëmatîque que pour la Géomé- trie. Un contemporain de Môbius et de Plùcker, Magnus, croit avoir trouvé la transformation la plus générale qui fasse corres- pondre un point à uYi point, mais les recherches de Cremona nous apprennent que la transformation de Magnus n'est que le premier terme d'une série de transformations birationnelles que le grand géomètre italien nous apprend à déterminer méthodiquement, au moins pourlçs figures delà Géométrie plane. Les transformations de Cre^nona conserveront longtemps un grand intérêt, bien que des recherches ultérieures nous aient appris qu'elles se ramènent toujours à une série d*appUcalions successives delà transformation de Magnus. VL Tous les travaux que nous venons d'énumérer, d'autres sur lesquels nous reviendrons plus loin, trouvent leur origine et, en quelque sorte, leur premier moteur dans les conceptions de la Géométrie moderne; mais le moment est venu d'indiquer rapide- ment une autre source de grands progrès pour les études de Géo- métrie. La théorie des fonctions elliptiques de Legendre, trop négligée par les géomètres français, est développée et agrandie par Abel et Jacobi. AlVCC ces grands géomètres, bientôt suivis de Rie- niann et de Weierstrass, la théorie des fonctions abéliennes que, plus tard, l'Algèbre essaiera de suivre avec ses seules ressources, vient apporter à la Géométrie des courbes et des surfaces une con- tribution dont l'importance ne cessera de grandir. Déjà Jacobi avait employé l'analyse des fonctions elliptiques à la démonstration des célèlpres théorèmes de Poncelet sur les poly- gones inscrits et circonscrits, inaugurant ainsi un chapitre qui s'est enrichi depuis d'une foule de résultats élégants; il avait ob- tenu aussi, par des méthodes se rattachant à là Géométrie, Tinté- gration des équations abéliennes. Mais c'est Clebsch qui, le premier, montra dans une longue série de travaux toute l'importance de la notion de genre d'une courbe, due à Abel et a Riemann, en développant une foule de — 17 - résultats et de solutions élégantes que l'emploi des intégrales abéliennes paraissait, tant il était simple, rattachera leur véritable point de départ. L'étude des points d'inflexion des courbes du troisième ordre, celle des tangentes doubles des courbes du qua- trième ordre et, en général, la théorie de l'osculation sur laquelle s'étaient si souvent exercés les anciens et les modernes, furent rattachées au beau problème de la division des fonctions ellip- tiques et des fonctions abéliennes. Dans un de ses Mémoires, Clebscli avait étudié les courbes rationnelles ou de genre zéro; cela le conduisit, vers la fin de sa vie trop courte, à envisager ce qu'on peut appeler aussi les surfaces rationnelles, celles qui peuvent être simplement repré- sentées par un plan. Il y avait là un vaste champ de recherches, ouvert déjà pour les cas élémentaires par Chasles, et dans lequel Clebsch fut suivi par Cremona et beaucoup d'autres savants. C'est à cette occasion que Cremona, généralisant ses recherches de Géométrie plane, fit connaître non plus la totalité des trans- formations biralionnelles de l'espace, mais quelques-unes des plus intéressantes parmi ces transformations. L'extension de la notion de genre aux surfaces algébriques est déjà commencée; déjà aussi des travaux de haute valeur ont montré que la théorie des intégrales simples ou multiples de diO'érentielles algébriques trouvera, dans l'étude des surfaces comme dans celle des courbes, un champ étendu d'applications importantes; mais ce n'est pas au rapporteur de la Géomélrie qu'il convient d'insister sur ce sujet. VIL Pendant que se constituaient ainsi les méthodes mixtes dont nous venons d'indiquer les principales applications, les géomètres purs ne restaient pas inactifs. Poinsot, le créateur de la théorie des couples, développait, par une méthode purementgéométrique, « celle, disait-il, où l'on ne perd de vue, à aucun moment, l'objet de la recherche )> la théorie de la rotation d'un corps solide que les recherches de d'Alembert, d'Euler et de Lagrange semblaient avoir épuisée^ Chasles apportait une contribution précieuse à la Cinématique par ses beaux théorèmes sur le déplacement d'un D i.. — 18 — corps solide, qui ont été étendus depuis par d'aulres méthodes élégantes au cas où le mouvement a des degrés divers de liberté. Il faisait connaître ces belles propositions sur l'attraction tn général, qui figurent sans désavantage à côté de celles de Green et de Gauss. Chasles et Steiner se rencontraient dans Fétiide de Tat- Iraclion des ellipsoïdes et montraient ainsi une fois de plus que la Géométrie a sa place marquée dans les questions les plus hautes du calcul intégral. Steiner ne dédaignait pas de s'occuper en même temps des parties élémentaires de la Géométrie. Ses recherches sur les con- tacts des cercles et des coniques, sur lés problèmes isopérimé- triques, sur les surfaces parallèles, sur le centre de gravité de. courbure excitaient l'admiration de tous par leur simplicité et leur profondeur. Chasles introduisait son principe de correspondance entre deux objets variables qui a donné naissance à tant d'applications; mais ici l'analjrse reprenait sa place pour étudier le principe dans son essence, le préciser et le généraliser. Il en fut de même en ce qui concernait la fameuse théorie des caractéristiques et les nom- breuses recherches de de Jonquières, de Chasles, de Cremona, d'autres encore, qui devaient fournir les bases d'une branche nou- velle de la Science Ja Géométrie énumérative. Pendant plusieurs années, le célèbre postulat de Chasles fut admis sans aucune objection; une foule de géomètres crurent l'avoir établi d'une ma- nière irréfutable. Mais, comme disait alors Zeuthen, il est bien difficile de reconnaître si, dans les démonstrations de ce genre, il ne subsiste pas toujours quelque point faible que leur auteur n'a point aperçu; et, en effet, Halphen, après des essais infructueux, venait couronner définitivement toutes ces recherches en indi- quant nettement dans quels cas on peut admettre le postulat de Chasles et dans quels cas il faut le rejeter. VIII. Tels sont les principaux travaux qui ont remis en honneur la synthèse géométrique et lui ont assuré, au cours du siècle dernier, la place qui lui revient dans la recherche mathématique. De nom- — 19 — breux et illustres travailleurs ont pris part à ce grand mouvement géométrique, mais il faut reconnaître (|u^il eut comme chefs et comme conducteurs Chastes et Steiner. Tel était l'éclat jeté par leurs merveilleuses découvertes qu'elles ont rejeté dans l'ombre, au moins d'une manière momentanée, les publications d'autres géomètres modestes, moins préoccupés peut-être de trouver des applications brillantes, propres à faire aimer la Géométrie, que de constituer cette science elle-même sur une base absolument solide. Leurs travaux ont reçu peut-être une récompense plus tardive, mais leur influence croît chaque jour; elle s'accroîtra sans doute encore. Les passer sous silence serait sans doute négliger un des principaux facteurs qui joueront leur rôle dans les recherches futures. C'est surtout à v. Staudt que nous faisons allusion en ce moment. Ses travaux géométriques ont été exposés dans deux Ou- vrages de grand intérêt : la Géométrie der Lage, parue en 1847, et les Beitràge zur Géométrie der Lage, publiées en i8d6, c'est- à-dire quatre ans après la Géométrie supérieure. Chasies, nous l'avons vu, s'était préoccupé de constituer un corps de doctrine indépendant de l'analyse de Descartes et il n'y avait pas complètement réussi. Nous avons indiqué déjà un des reproches que l'on peut adresser à ce système : les éléments ima- ginaires n'y sont définis que par leurs fonctions symétriques, ce qui les exclut nécessairement d'une foule de recherches. D'autre part, l'emploi constant du rapport anharmonique, des transversales et de l'involution, qui exige des transformations analytiques fré- quentes, donne à la Géométrie supérieure un caractère presque exclusivement métrique qui l'éloigné notablement des méthodes de Poncelet. Revenant à ces méthodes, v. Staudt s'attacha à constituer une géométrie affranchie de toute relation métrique et reposant exclusivement sur les rapports de situation. C'est dans cet esprit qu'a été conçu son premier Ouvrage, la Géométrie der Lage de 1847- L'auteur y prend pour point de départies pro- priétés harmoniques du quadrilatère complet et celles des triangles homologiques, démontrées uniquement par des considérations de géométrie à trois dimensions, analogues à celles dont a fait un si fréquent usage l'École de Monge. Dans cette première partie de son œuvre, v. Staudt a négligé entièrement les éléments imaginaires. C'est seulement dans les — 20 - Beitràge, son second Ouvrage, qu'il est parvenu, par une ex- tension très originale de la méthode de Ghasles, à définir géo- métriquement un élément imaginaire isolé et à le distinguer de son conjugué. Cette extension, bien que rigoureuse, est pé- nible et très abstraite. On peut la définir en substance comme il suit : deux points imaginaires conjugués peuvent toujours être considérés comme les points doubles d'une involution sur une droite réelle; et de même qu'on passe d'une imaginaire à sa conjuguée par le changement de i en — «, de même on distin- guera les deux points imaginaires en faisant correspondre à chacun fun des deux sens différents que l'on peut attribuer à la droite. Il y a là quelque chose d'un peu artificiel; le développe- ment de la théorie élevée sur de telles bases est nécessairement com|)li(|ué. Par des méthodes purement projectives, v. Staudt établit toute une méthode de calcul des rapports anharmoniques des éléments imaginaires les plus généraux. Comme toute géo- métrie, la géométrie projective emploie la notion de l'oidre et Tordre engendre le nombre; on ne saurait donc s'étonner que V. Staudt ait pu constituer sa méthode de calcul; mais il faut admirer Tingéniosilé qu'il a dû déployer pour y parvenir. Malgré les efforts des géomètres distingués qui ont essayé d'en simplifier l'exposition, nous craignons que cette partie de la géométrie de V. Staudt, pas plus que la géométrie d'ailleurs si intéressante du profond penseur Grassmann, ne puisse prévaloir contre les mé- thodes analytiques qui ont conquis aujourd'hui la faveur presque universelle. La vie est courte, les géomètres connaissent et pra- tiquent aussi le principe de la moindre action. Malgré ces craintes qui ne doivent décourager personne, il nous paraît que, sous la forme première qui lui a été donnée par v. Staudt, la géométrie projective doit devenir la compagne nécessaire de la géométrie descriptive, qu'elle est appelée à renouveler celte géométrie dans son esprit, ses procédés et ses applications. C'est ce qui a déjà été compris dans plusieurs pays, et notamment en Italie où le grand géomètre Cremona n'avait pas dédaigné d'écrire, pour les écoles, un Traité élémenlaire de Géométrie projective. — 21 - IX. Dans les articles qui précèdent, nous avons essayé de auivre et de faire apparaître nettement les conséquences les plus lointaines des méthodes de Monge et de Poncelet. En créant les coordonnées tangentielles et les coordonnées homogènes, Plûcker avait paru épuiser tout ce que pouvaient fournir à l'analyse la méthode des projections et celle des polaires réciproques. Il lui restait, vers la fin de sa vie, à revenir sur ses premières recherches pour leur donner une extension qui devait élargir dans des proportions inattendues le domaine de la Géométrie, Précédée par des recherches innombrables sur les systèmes de lignes droites, dues à Poinsot, Mobius, Chasles, Dupin, Malus, Hamilton, Kummer, Transon, surtout à Cayley qui a introduit le premier la notion des coordonnées de la droite, recherches qui ont leur origine, soit dans la statique et la cinématique, soit dans Toptique géométrique, la géométrie de la ligne droite de Plucker sera toujours regardée comme la partie de son œuvre où Ton ren- contre les idées les plus neuves et les plus intéressantes. Que Plûcker ait constitué le premier une étude méthodique de la ligne droite, cela est déjà important, mais cela n'est rien à côté de ce qu'il a découvert. On dit quelquefois que le principe de dualité met en évidence ce fait que le plan, aussi bien que le point, peut être considéré comme un élément de Tespace. Cela est vrai; mais, en ajoutant la ligne droite comme élément possible de l'espace au plan et au point, Plucker a été conduit à reconnaître que n'importe quelle courbe, n'importe quelle surface peuvent aussi être considérées comme éléments de l'espace, et ainsi est née une Géométrie nouvelle qui a déjà inspiré un grand nombre de travaux, qui en suscitera plus encore à l'avenir. Une belle découverte dont nous parlerons plus loin a déjà rattaché la géométrie des sphères à celle des lignes droites et permis d'introduire la notion des coor- . données d'une sphère. La théorie des systèmes de cercles est déjà commencée; elle se développera sans doute quand on voudra étu- dier la représentation, que nous devons à Laguerre, d'un point imaginaire dans l'espace par un cercle orienté. — 22 — Mais avant d'exposer le développement de ces idées nouvelles qui ont vivifié les méthodes infinitésimales de Monge, il faut que nous revenions en arrière pour reprendre l'histoire des branches de la Géométrie que nous avons négligées jusqu'à présent* X. • • • . Parmi les travaux de l'Ecole de Monge, nous nous sommes bornés jusqu'ici à considérer ceux qui se rattachent à la Géomé- trie ^n/e; mais quelques-uns des disciples de Mofige s'attachèrent surtout à développer les notions nouvelles de géométrie infinité- simale apportées par leur maître sur les courbes à double cour- bure, sur les lignes de courbure, sur la génération des surfaces, notions qui sont exposées au moins en partie dans VAppllca- lion de V Analyse à la. Géométrie. Parmi eux, nous devons citer Lancret, auteur de beaux travaux sur les courbes gauches et sur- tout Charles Dupin^ le seul peut-être qui ait suivi toutes les voies ouvertes par Monge. Entre autres travaux, on doit àDupin deux ouvrages que Monge n'aurait pas hésité à signer : les Développements de Géométrie pure, parus en i8i3, etles Applications de Géométrie et de Mé- chanique, qui datent de 1822. C'est là qu'on trouve cette notion de Vindicatrice qui devait renouveler, après Eulcr et Meunier, toute la théorie de la courbure, celle des tangentes conjuguées, des4rg3ies asjmptotiques qui ont pris une place si importante dans les recherches récentes. Nous ne saurions oublier la détermina- tion de la surface dont toutes les lignes de courbure sont des cercles, ni surtout le Mémoire sur les systèmes triples de surfaces orthogonales où se trouve, en même temps que la découverte du système triple formé de surfaces du second degré, le célèbre théo- rème auquel le nom de Dupin demeurera attaché. Sous l'influence de ces travaux et de la renaissance des mé- thodes synthétiques, la géométrie des infiniment petits reprenait dans .toutes les recherches la place que Lagrange avait voulu lui arracher pour toujours. Chose singulière, les méthodes géomé- triques ainsi restaurées allaient recevoir la plus vive impulsion à la suite de la publication d'un Mémoire qui, au premier abord tout — 23 — au moÎDS, paraît se rallacher à la plus pure analyse; nous voulons parler de l'écrit célèbre de Gaus's : Disquisitiones générales circa superficies curvas qui fut présenté en 1827 à la Société de Gœl- tingue et dont Tapparilion marque, on peut le dire, une date déci- sive dans rhistoîre de la Géométrie infinitésimale. A partir de ce moment, la méthode infinitésimale prit en France un essor jusque-là inconnu. Frenet, Bertrand, Molins, J.-A. Serrel, Bouquet, Puiseux, Ossian Bonnet, Paul Serret développèrent la théorie des courbes gauches. Liouville, Chasles, Minding se joi- gnirent à eux pour poursuivre l'étude méthodique du Mémoire de Gauss. L'intégration faite par Jaeobi de l'équation difTérentielle des b'gnes géodésiques de l'ellipsoïde suscita un grand nombre de recherches. En même temps, les problèmes étudiés dans V Ap- plication de V Analyse de Monge, furent largement développés. La détermination de toutes, les surfaces ayant leurs lignes de cour- bure planes ou sphériques vint compléter, de la manière la plus heureuse, quelques-uns des résultats partiels déjà obtenus par Monge. A ce moment, un géomètre des plus pénétrants, suivant le jugement de Jaeobi, Gabriel Lamé, qui, comme Charles Sturm, avait commencé par la Géométrie pure et avait déjà apporté à cette science les contributions les plus intéressantes par un petit Ouvrage publié en 1817 et par des Mémoires insérés dans les Annales de Gergonne, utilisait les résultats obtenus par Dupi^etBinet sur le système des surfaces homofocales du second degçé et, s'élevantàla notion des coordonnées curvilignes de l'espace, il devenait le créateur de toute une théorie nouvelle destinée à recevoir dans la Physique mathématique les applications les plus variées. XL Ici encore, dans cette branche infinitésimale de la Géométrie, on retrouve les deux tendances que nous avons signalées à propos de la Géométrie des quantités finies. Les uns, au nombre des* quels il faut placer J. Bertrand et O. Bonnet, veulent constituer une méthode autonome qui repose directement sur l'emploi des infiniment petits. Le grand Traité de Calcul différentiel, de Ber- — 2^ — Irand, contient plusieurs Chapitres sur la théorie des courbes et des surfaces qui sont, en quelque sorte, Tillustration de cette con- ception. Les autres suivent les voies analytiques usuelles en s'at- tachant seulement à bien reconnaître et à mettre en évidence les éléments qui doivent figurer au premier plan. Ainsi fait Lamé en introduisant sa théorie des paramètres différentiels. Ainsi fait Beltrami en étendant avec beaucoup dMngéniosité Remploi de ces invariants différentiels au cas de deux, variables indépendantes, c'est-à-dire à Tétude des surfaces. Il semble qu'aujourd^hui on se rallie à une méthode mixte dont Torigine se trouve dans les travaux de Ribaucour, sous le nom de périmorphie. On conserve les axes rectangulaires de la Géométrie analytique, mais en les rendant mobiles et en les rattachant de la manière qui paraît la plus commode au système que Ton veut étu- dier. Ainsi disparaissent la plupart des objections que Ton a adressées à la méthode des coordonnées. On réunit les avantages de ce que l'on appelle quelquefois la Géométrie intrinsèque à ceux qui résultent de l'emploi de l'analyse régulière. Celle analyse d'ailleurs n'est nullement abandonnée; les complications de calcul qu'elle entraîne presque toujours, dans ses applications à l'étude des surfaces et des coordonnées rcctilignes, disparaissent le plus souvent si l'on emploie les notions sur les invariants et les cova- riants des forces quadratiques de différentielles que nous devons aux recherches de Lipschitz et de Christoffcl, inspirées par les études de Riemann sur la Géométrie non euclidienne. XIL Les résultats de tant de travaux ne se sont pas fait attendre. La notion de la courbure géodésique que Gauss possédait déjà, mais sans l'avoir publiée, a été donnée par Bonnet et Liouville, la théorie des surfaces dont les rayons de courbure sont fonctions l'un de l'autre, inaugurée en Allemagne par deux propositions qui figureraient sans désavantage dans le Mémoire de Gauss, a été en* richie par Ribaucour, Halphen, S. Lie et par d*autres, d'une foule de propositions. Parmi ces propositions, les unes concernent ces surfaces envisagées d'une manière générale; d'autres s'appliquent — 25 — aux. cas particuliers où la relation entre les rayons de courbure prend une forme particulièrement simple : aux surfaces minima, par exemple, et aussi aux surfaces à courbure constante, positive ou négative* Les surfaces minima ont été Tobjet de travaux qui font de leur étude le chapitre le plus attrayant de la Géométrie infinitésimale. L'intégration de leur équation aux dérivées partielles constitue une des plus belles découvertes de Monge; mais, par suite de Tim- perfeclion de la théorie des imaginaires, le grand géomètre n'avait pu tirer de ses formules aucun mode de génération de ces sur- faces, ni même aucune surface particulière. Nous ne reviendrons pas ici sur l'historique détaillé que nous avons présenté dans nos Leçons sur la théorie des sur/aces; mais il convient de rappeler les recherches fondamentales de Bonnet qui nous ont donné, en particulier, la notion des sur/aces associées à une sur/ace donnée, les formules de Weierstrass qui établissent un lien étroit entre les surfaces minima et les fonctions d'une variable complexe, les recherches de Lie par lesquelles il a été établi que les formules mêmes de Monge peuvent aujourd'hui servir de base à une étude fructueuse des surfaces minima. En cherchant à déterminer les surfaces minima de classes ou de degrés les plus petits, on a été conduit à la notion des surfaces minima doubles qui relève de VAnalysis situs. Trois problèmes d'inégale importance ont été étudiés dans cette théorie. Le premier, relatif à la détermination des surfaces minima inscrites suivant un contour donné à une développable également donnée, a été résolu par des formules célèbres qui ont conduit à un grand nombre de propositions. Par exemple, toute droite tracée sur une telle surface est un axe de symétrie. Le second, posé par S. Lie, concerne la détermination de toutes les surfaces minima algébriques inscrites dans une développable algébrique, sans que la courbe de contact soit donnée* Il a été aussi entièrement élucidé. Le troisième et le plus diflicile est celui que les physiciens ré- solvent par l'expérience, en plongeant un contour fermé dans une solution de glycérine. Il concerne la détermination de la surface minima passant par un contour donné« - 26 — La solution de ce problème dépasse évidemment les ressources de la Géométrie. Grâce aux ressources de TAnalyse la plus haute, il a pu être résolu pour des contours particuliers dans le Mémoire célèbre de Riemann et dans les recherches profondes qui ont suivi ou accompagné ce Mémoire. Pour le contour le plus général, son étude a été brillamment commencée, elle sera continuée par nos successeurs. Après les surfaces minima, les surfaces à courbure constante devaient attirer l'attention des géomètres. Une remarque ingé- nieuse de Bonnet rattache les unes aux autres les surfaces dont Tune ou l'autre des deux courbures, courbure moyenne ou cour- bure totale, est constante. Bour avait annoncé que Téquation aux dérivées partielles des surfaces à courbure constante pouvait être complètement intégrée. Ce résultat n'a pu être retrouvé: il parait même plus que douteux si Ton se reporte à une recherche où S. Lie a essayé en vain d'appliquer une méthode générale d'inté- gration des équations aux dérivées partielles à l'équation particu- lière des surfaces à courbure constante. Mais, s'il est impossible de déterminer en termes finis toutes ces surfaces, on a pu du moins en obtenir quelques-unes, caractérisées par des propriétés spé- ciales, telles que celle d'avoir leurs lignes de courbure planes ou sphériques; et l'on a montré, en employant une méthode qui réus- sit dans beaucoup d'autres problèmes^ que Ton peut faire dériver de toute surface à courbure constante une infinité d'autres sur- faces de même nature, par des opérations nettement définies qui n'exigent que des quadratures. La théorie de la déformation des surfaces dans le sens de Gauss a été aussi beaucoup enrichie. On doit à Minding et à Bour l'étude détaillée de cette déformation spéciale des surfaces réglées qui laisse rectilignes les génératrices. Si l'on n'a pu, comme nous venons de le dire, déterminer les surfaces applicables sur la sphère, on s'est attaqué avec plus de succès à d'autres surfaces du second degré et, en particulier, au paraboloïde de révolution. L'étude systématique de la déformation des surfaces générales du second degré est déjà entamée; elle est de celles qui donneront prochai- nement les résultats les plus importants. La théorie de la déformation infiniment petite constitue au- jourd'hui un des chapitres les plus achevés de la Géométrie. Elle — 27 — est la première application un peu étendue d'une méthode géné- rale qui paraît avoir beaucoup d'avenir. Étant donné un s^rstème d'équations différentielles ou aux déri- vées partielles, propre à déterminer un certain nombre d'incon- nues, il convient de lui associer un svstème d'équations que nous avons appelé système auxiliaire et qui détermine les systèmes de solutions infiniment voisins d'un système donné quelconque de solutions. Le système auxiliaire étant nécessairement linéaire, son emploi dans «.outes les recherches fournit de précieuses lumières sur les propriétés du système proposé et sur la possibilité d'en obtenir l'intégration. La théorie des lignes de courbure et des lignes asymptotiques a été notablement étendue. Non seulement on a pu déterminer ces deux séries de lignes pour des surfaces particulières telles que les surfaces tétraédrales de Lamé; mais aussi, en développant les résultats [de Moutard relatifs à une classe particulière d'équations linéaires aux dérivées partielles du second ordre, on a pu généra- liser tout ce qui avait été obtenu pour les surfaces à lignes de courbure planes ou sphériques, en déterminant complètement toutes les classes de surfaces pour lesquelles on peut résoudre le problème de la représentation sphérique. On a résolu de même le problème corrélatif relatif aux lignes asymptotiques en faisant connaître toutes les surfaces dont on peut déterminer en termes finis la déformation infiniment petite. Il y a là un vaste champ de recherches dont l'exploration est à peine commencée. L'étude infinitésimale des congruences reclilignes, déjà com- mencée depuis longtemps par Dupin, Bertrand, Hamilton, Kum- nier, est venue se mêler à toutes ces recherches. Ribaucour, qui y a pris une part prépondérante, a étudié des classes particulières de congruences rcctilignes et, en particulier, les congruences dites isotropes, qui interviennent de la manière la plus heureuse dans l'étude des surfaces minima. Les systèmes triples orthogonaux dont Lamé avait fait usage en Physique mathématique sont devenus l'objet de recherches systé- matiques. Cayley le premier a formé l'équation aux dérivées par- tielles du troisième ordre dont on avait fait dépendre la solution générale de ce problème. Le système des surfaces homofocales du second degré a été généralisé et a donné naissance à cette théorie -- 28 - des cyclides générales dans laquelle on peut emploiera la fois les ressources de la Géomélrîe métrique, de la Géométrie projective et de la Géométrie infinitésimale* On a fait connaître beaucoup d'autres systèmes orthogonaux. Parmi eux il convient de signaler les systèmes cycliques de Ribaucour, pour lesquels une des trois familles admet des cercles pour trajectoires orthogonales, et les systèmes plus généraux pour lesquels ces trajectoires orthogonales sont simplement des courbes planes. L'emploi systématique des imaginaires, qu'il faut bien se garder d'exclure de la Géométrie, a permis de rattacher toutes ces déterminations à l'étude de la défor- mation finie d'une surface particulière. Parmi les méthodes qui ont permis d'établir tous ces résultats, il convient de noter l'emploi systématique des équations linéaires aux dérivées partielles du second ordre et des systèmes formés de telles équations. Les recherches les plus récentes montrent que cet emploi est appelé à renouveler la plupart des théories. La Géométrie infinitésimale ne pouvait négliger 'l'étude des deux problèmes fondamentaux que lui posait le calcul des varia^ tions. Le problème du plus court chemin sur une surface a été l'objet des magistrales études de Jacobi et d'Ossian Bonnet. On a pour- suivi l'étude des lignes géodésiques, on a appris à les déterminer pour de nouvelles surfaces. La théorie des ensembles est venue permettre de suivre ces lignes dans leur cours sur une surface donnée. La solution d'un problème relatif à la représentation de deux surfaces l'une sur l'autre a beaucoup accru l'intérêt des décou- vertes de Jacobi et de Liouville relatives à une classe particulière de surfaces dont on sait déterminer les lignes géodésiques. Les résultats qui concernent ce cas particulier ont conduit à l'examen d'une question nouvelle :• rechercher tous les problèmes de calcul des variations dont la solution est fournie par les courbes satis- faisant à une équation différentielle donnée. Enfin, les méthodes de Jacobi ont été étendues à l'espace à trois dimensions et appliquées à la solution d'une question qui présen- tait les plus grandes difficultés : l'étude des propriétés de mini- mum appartenant à la surface minima passant par un contour donné. — 29- XIII. Parmi les inventeurs qui ont contribué au développement de la Géométrie infînitésimale, Sopbus Lie se distingue par plusieurs découvertes capitales qui le placent au premier rang. Il n'était pas de ceux qui laissent paraître dès Tenfance les aptitudes les plus caractérisées et, au moment de quitter TUniversité de Christiania en i865, il hésitait encore entre la Philologie et les Mathématiques. Ce sont les travaux de Pliickcr qui lui donnèrent pour la pre- mière fois pleine conscience de sa véritable vocation. Il publia en 1869 un premier travail sur l'interprétation des imaginaires en Géométrie et, dès 1870, il était en possession des idées directrices de toute sa carrière. J'ai eu à cette époque le plaisir de le voir souvent, de l'entre- tenir à Paris, où il était venu avec son ami F. Klein. Un cours de M. Sylow suivi par Lie lui avait révélé toute l'importance de la théorie des substitutions; les deux amis étudiaient cette théorie dans le grand Traité de C. Jordan; ils avaient pleine conscience du rôle important qu'elle était appelée à jouer dans tant de branches des Sciences mathématiques où elle n'avait pas encore été appliquée. Ils ont eu l'un et l'autre la bonne fortune de contribuer par leurs travaux à imprimer aux études mathé- matiques la direction qui leur avait paru la meilleure. Dès 1870, Sophus Lie présentait à l'Académie des Sciences de Paris une découverte extrêmement intéressante. Rien ne ressemble moins à une sphère qu'une ligne droite, et cependant Lie avait imaginé une transformation singulière qui faisait correspondre une sphère à une droite et permettait, par suite, de rattacher toute proposition relative à des droites à une proposition relative à des sphères et vice versa. Dans celte méthode si curieuse de trans- formation, chaque propriété relative aux lignes de courbure d'une surface fournit une proposition relative aux lignes asjrmptoliqucs de la surface transformée. Le nom de Lie demeurera attaché à ces relations si cachées qui rattachent l'une à l'autre la ligne droite et la sphère, ces deux éléments essentiels et fondamentaux de la recherche géométrique. Il les a développées dans un Mémoire rempli d'idées neuves qui a paru en 1872. — 30 - Les travaux qui suivirent ce brillant début de Lie confirmèrent pleinement les espérances qu'il avait fait naître. La conception de Plûcker relative à la génération de l'espace par des lig^nes droites^ par des courbes ou des surfaces arbitrairement choisies, ouvre à la théorie des formes algébriques un champ qui n'a pas encore été exploré, que Clebsch a commencé à peine à reconnaître et à délimiter. Mais, du côté de la Géométrie infinitésimale, cette conception a été mise en pleine valeur par Sophus Lie. Le grand géomètre norvégien a su d'abord y trouver la notion des con- gruences et des complexes de courbes, et ensuite celle des trans* formations de contact dont il avait trouvé, pour le cas du plan, le premier germe dans Pliicker. L'étude de ces transformations l'a conduit à perfectionner, en même temps que M. Mayer, les méthodes d'intégration que Jacobi avait instituées pour les équations aux dérivées partielles du premier ordre; mais surtout elle jette la lumière la plus éclatante sur les parties les plus difficiles et les plus obscures des théories relatives aux équations aux dérivées partielles d'ordre supérieur. Elle a permis à Lie, en particulier, d'indiquer tous les cas dans lesquels la méthode des caracté- ristiques de Monge est pleinement applicable aux équations du second ordre à deux variables indépendantes. En continuant J*étude de ces transformations spéciales, Lie fut conduit à construire progressivement sa magistrale théorie des groupes continus de transformations et à mettre en évidence le rôle si important que la notion de groupe joue en Géométrie. Parmi les éléments essentiels de ses recherches, il convient de signaler les transformations infinitésimales dont Tidée lui appar- tient exclusivement. Trois grands Ouvrages publiés sous sa direction par d'habiles et dévoués collaborateurs contiennent l'essentiel de ses travaux et leurs applications à la théorie de l'intégration, à celle des unités complexes et à la Géométrie non euclidienne. XIV. Me voici arrivé par une voie indirecte à cette Géométrie non euclidienne dont l'étude prend dans les recherches des géomètres - 31 — une place qui grandît chaque jour. Si j'étais seul à vous cntrelenîr de Géométrie, je prendrais plaisir à vous rappeler tout ce qui a été fait sur ce sujet depuis Euclide, ou du moins depuis Legendre, jusqu'à nos jours. Envisagée successivement par les plus grands géomètres du dernier siècle, la question s'est progressivement élargie. C'est par le célèbre postulat um relatif aux parallèles que l'on a commencé; c'est par l'ensemble des axiomes géométriques que l'on finit. Les Éléments d'Euclide, qui ont résisté au travail de tant de siècles, auront du moins l'honneur de provoquer, avant de finir, une longue suite de travaux admirablement enchaînés qui contri- bueront, de la manière la plus eflicace, au progrès des Mathéma- tiques, en même temps qu'ils fourniront aux philosophes les points de départ les plus précis et les plus solides pour l'étude de Torigine et delà formation de nos connaissances. Je suis assuré d'avance que mon distingué collaborateur n'oubliera pas, parmi les problèmes du temps présent, celui-ci, qui est le plus important peut-être, et dont il s'est occupé avec tant de succès; et je lui laisse le soin de le développer avec toute l'ampleur qu'il mérite assuré- ment. Je viens de parler des éléments de la Géométrie. Ils ont reçu depuis cent ans des accroissements qu'il convient de ne pas oublier. La théorie des polyèdres s'est enrichie des belles décou- vertes de Poinsot sur les polyèdres étoiles et de celles de Mobius sur les polyèdres à une seule face. Les méthodes de transforma- tion ont élargi l'exposition. On peut dire aujourd'hui que le premier Livre contient la théorie de la translation et de la symétrie, que le deuxième équivaut à la théorie de la rotation et du déplacement, que le troisième repose sur l'homothétie et l'inversion. Mais il faut bien reconnaître que c'est grâce à l'Analyse que les Éléments se sont enrichis de leurs plus belles propositions. C'est à l'Analyse la plus haute que nous devons l'inscription des poly-» gones réguliers de 17 côtés et des polygones analogues. C'est à elle que nous devons les démonstrations si longtemps cherchées de Timpossibililé de la quadrature du cercle, de l'impossibilité de certaines constructions géométriques à l'aide de la règle et du compas. C'est à elle enfin que nous devons les premières démon- strations rigoureuses des propriétés de maximum et de minimum — 32 — de la sphère, 11 appartiendra à la Géométrie d'întervenîr sur ce terrain où l'Analyse Ta précédée. Que seront les éléments de la Géométrie au cours du siècle qui vient de commencer? Y aura-t-il un seul Livre élémentaire de Géométrie? C'est peut-être l'Amérique, avec ses écoles affranchies de tout programme et de toute tradition, qui nous donnera les meilleures solutions de cette importante et difficile question. On a quelquefois appelé v. Staudt, YEuclide du xix® siècle; je préférerais l'appeler l'^wc/tWe de la Géométrie projectile; mais cette Géométrie, quelque intéressante qu'elle puisse être, est-elle appelée à fournir la base unique des futurs éléments? XV. Le moment est venu de clore ce trop long exposé et cependant il y a une foule de recherches intéressantes que j'ai été pour ainsi dire contraint de négliger. J^aurais aimé à vous entretenir de ces Géométriesàun nombre quelconque de dimensions dont la notiuii remonte aux premiers temps de TAIgèbre, mais dont l'étude sys- tématique n'a été commencée que depuis 60 ans par Cayleyetpar Cauchy. Ce genre de recherches a trouvé faveur dans votre pays, et je n'ai pas besoin de rappeler que notre illustre président, après s'être montré le digne continuateur de Laplace et de Le Verrier, dans un espace qu'il considère avec nous comme étant doué de 3 dimensions, n'a pas dédaigné de publier, dans V American Journal, des considérations d'un vif intérêt sur les géométries à n dimensions. Une seule objection pouvait être faite aux études de ce genre et avait déjà été formulée par Poisson : l'absence de toute base réelle, de tout substratum permettant de présenter, sous des aspects visibles et en quelque sorte palpables, les résultats obtenus. L'extension des méthodes de la Géométrie descriptive, et surtout Teniploi des conceptions de Plùcker sur la génération de l'espace, contribueront à enlever à cette objection beaucoup de sa valeur. J'aurais voulu vous parler aussi de la méthode des équipol- lences, dont nous trouvons le germe dans les œuvres posthumes de Gauss, des quaternions d'Hamilton, des méthodes de Grass- — 33 — mann el en général des systèmes d'unités complexes, de V Ana- lyses situs, si intimement reliée à la théorie des fonctions, de la Géométrie dite cinématique, de la théorie des abaques, de la Géométrographie, des applications de la Géométrie à la Philo- sophie naturelle ou aux Arts. Mais je craindrais, si je m'étendais outre mesure, que quelque analyste, comme il y en a eu autrefois, n'accusât la Géométrie de vouloir tout accaparer. Mon admiration pour l'Analyse, devenue si féconde et si puis- sante à notre époque, ne me permettrait pas de concevoir une telle pensée. Mais, si quelque reproche de ce genre pouvait être aujourd'hui formulé, ce n'est pas à la Géométrie, c^est à l'Analyse qu'il conviendrait, je crois, de l'adresser. Le cercle dans lequel paraissaient renfermées les études mathématiques au commence- ment du XIX* siècle a été brisé de tous côtés. Les problèmes anciens se présentent à nous sous une forme renouvelée, des pro- blèmes nouveaux se posent, dont l'étude occupe des légions de travailleurs. Le nombre de ceux qui cultivent la Géométrie pure est devenu prodigieusement restreint. Il y a là un danger contre lequel il importe de se prémunir. N'oublions pas que, si l'Analyse a acquis des moyens d'investigation qui lui faisaient défaut autre- fois, elle les doit en grande partie aux conceptions introduites par les Géomètres. Il ne faut pas que la Géométrie demeure en quelque sorte ensevelie dans son triomphe. C'est à son école que nous avons appris, que nos successeurs auront à apprendre, à ne jamais se fier aveuglément aux méthodes trop générales, à envisager les questions en elles-mêmes et à trouver, dans [les conditions parti- culières à chaque problème, soit un chemin direct vers une solu- tion facile, soit le moyen d'appliquer d'une manière appropriée les procédés généraux que toute science doit rassembler. Ainsi que le dit Chasles au commencement de Y Aperçu historique : « Les doctrines de la pure Géométrie offrent souvent, et dans une foule de questions, cette vole simple et naturelle qui, pénétrant jusqu'à l'origine des vérités, met à nu la chaîne mystérieuse qui les unit entre elles et les fait connaître individuellement de la manière la plus lumineuse et la plus complète. » Cultivons donc la Géométrie, qui a ses avantages propres, sans vouloir, sur tous les points, l'égaler à sa rivale. Au reste, si nous étions tentés de la négliger, elle ne tarderait pas à trouver dans -ai- les applications des Mathématiques, comme elle Ta déjà fait une première fois, les moyens de renaître et de se développer de nou- veau. Elle est comme le géant Ântée qui reprenait ses forces en louchant la terre. PARIS. — IMPRIMERIE GAUTHIER-VILLARS, 35921 Quai des Grands-Augustins^ 55. LIBRAIRIE GAUTHIER-VILLARS, QUAI DES GRANDS-AUGUBTIN8, 55, A PARIS (6*). CHâSLES. — Aperçn historiqne snr Torigine et le développement des méthodes en Géométrie, particnlièrement de celles qui se rapportent à la Géométrie moderne, suivi d'un Mémoire de Géométrie sur deux principes généraux de la Science : la Dualité et P Homographie, Troi- sième édiiion, conforme à la première. Un beau volume in-4 ^e 85o pages ; 1889 3o fr. DARBOUX (G.)i Membre de Tlnslitut, Doyen de la Faculté des Sciences. — Leçons sur la théorie générale des' surfaces et les applications géométriques du Calcul infinitésimal. 4 volumes grand in>8, avec figures, se vendant séparément (Ouvrage complet) : r* Partie : Généralités. — Coordonnées curvilignes. Surfaces mi- nima; 1 887 1 5 fr. Il* Partie : Les congruences et les équations linéaires aux dérivées partielles. Des lignes tracées sur les surfaces; 1 889 i5 fr. m* Partie : Lignes géodésiques et courbure géodésique. Invariants dij/érentiels. Déformation des surfaces; 1894 1 5 fr. IV* Partie : Déformation infiniment petite et représentation sphérique; i89(> ; i5 fr. DARBOUX (Gaston), Membre de l'Institut, Doyen de la Faculté des Sciences et Professeur de Géométrie supérieure à l'Université de Paris. — Leçons sur les systèmes orthogonaux et les coordonnées curvi- lignes. Deux volumes grand in-8. se vendant séparément : ToMK I : Volume de iv-338 pages avec tignres; 1898 10 fr. ToMK II {En préparation, ) JOUFFRET (E.), Lieutenant-Golonei d'Arlillerie en retraite, ancien Élève de TËcoie Polytechnique. — Traité de Géométrie à quatre dimensions et Introduction à la Géométrie à n dimensions. Grand in-8 de xxv- uC»i pages avec 65 figures ; 1903 » 7 fr. 5o c. LAGUERRE. — Œuvres de Laguerre, publiées sous les auspices de l'Aca- deiiiie des Sciences, par MM. Cii. Hekmitk, 11. Poincaré et E. RotcHÉ, Membres de l'Institul, % volumes grand iii-8, se vendant séparément. Tome I : .llgèbre, Calcul intégral; 1898 i5 fr. Tome II : Géométrie ; 190'i ( Sous presse, ) VIVÂNTI (G). — Leçons élémentaires sur la Théorie des groupes de transformations professées à l Université de Messine. Traduites par A. lioi LA.NOER, Maître de Conférences à l'Université de Lille. Grand in-8 ( 7. ') X 1 ; de vii-:>96 pages ; 1904 8 fr . 35921 »*aris. - Imprimerie GAUTHIEK-VILLAKS, quai des Gramls-Auffusiins , t.'..